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Contes

Il était une fois un roi et une reine qui avaient tout ce qu'ils souhaitaient, mais ils n'avaient pas d'enfant. La reine était désespérée, et tous les jours et toutes les nuits elle se lamentait :
- Je suis comme une terre en friche où rien ne germe.

Enfin le ciel exauça ses prières ; mais lorsque l'enfant fut né, il ne ressemblait en rien à un homme : c'était un petit âne. Lorsque sa mère le vit, elle se mit à se lamenter de plus belle :
- Plutôt qu'un âne comme fils, dit-elle, je préfère ne pas avoir d'enfant du tout. On devrait le jeter à l'eau, pour qu'il se fasse dévorer par les poissons.

On sait combien les ânes tiennent à leurs habitudes et quelle force de volonté, fermement vissée, réside entre leurs gros yeux veloutés et ronds.

L'âne en question était sur ce point remarquable entre tous les ânes. Laborieux et résigné, mais laborieux par raison et résigné d'après je ne sais quelle mystérieuse logique spéciale aux ânes, il portait le faix sans bouder, que ce fût semence ou légumes, à la condition toutefois que le poids ne dépassât pas un maximum qu'il s'était fixé à lui-même. Pour une once de plus, il se couchait jusqu'à ce qu'on l'eût allégé de ce qui, d'après ses calculs d'âne, lui paraissait être de trop.

Près de Saverne une veuve possédait un grand moulin. Elle avait une fille unique, jeune et belle. Le valet du moulin, un jeune homme alerte, fort et gai, l'aimait et il pensait bien l'épouser un jour. Il s'aperçut que plus d'une fois la mère et la fille partaient au début de la nuit et ne revenaient qu'à l'aurore. Tourmenté par la jalousie, il résolut de les surveiller.